« Les livres d’où ont découlé les littératures entières, comme Homère, Rabelais, sont des encyclopédies de leur époque. » [1] On a souvent cité ce passage pour illustrer la conception flaubertienne de l’encyclopédisme littéraire. On re trouve le terme « encyclopédie » à plusieurs reprises sous la plume de Flaubert, au moment où il expose à ses correspondants le projet de Bouvard : l’« encyclopédie critique en farce » [2] ou l’« encyclopédie de la Bêtise moderne » [3] . Depuis Maupassant, qui fut le premier à parcourir les dossiers de Bouvard , nombreux sont les commentateurs qui ont fait appel à la notion d’« encyclopédie » et aux diverses perspectives qu’elle implique, pour éclairer l’enjeu philosophique du projet inachevé de Flaubert [4] . Mais, comme déjà chez ce dernier la formule « encyclopédie critique en farce » est assez paradoxale − comment une encyclopédie s’assimile-t-elle à une farce ? −, on est amené à souligner l’aspect paradoxal de cette encyclopédie : Bouvard est une encyclopédie à rebours, un dispositif critique et ludique par lequel se révèle l’impossibilité même de tout encyclopédisme. Bref, il s’agit d’une parodie d’encyclopédie, celle que Flaubert devait radicaliser dans la composition de la Copie. Autrement dit, Bouvard n’est encyclopédique que sur le mode du « faire-semblant ». Un tel déguisement parodique paraît se dévoiler dans les transitions reliant de façon arbitraire les expériences des deux héros. Comment ne pas voir en effet qu’il y a bien des trous et des sauts dans la table des matières de cette encyclopédie romanesque ?